Les questionnements des territoires

Ces questionnements ont été évoqués lors du premier atelier DataCités 2. Il était proposé aux participants de travailler sur des problématiques communes, identifiées au cours de leurs échanges.

Les questions posées sont volontairement provocantes afin de susciter le débat entre les participants et d'évoquer des pistes de réflexion et d'actions.

Impliquer le citoyen, à quoi bon ?

Pour répondre à cette question, il faut avant tout clarifier de quel(s) citoyen(s) nous parlons.

Il existe ensuite deux types de registres qui répondent à la question de départ.

  1. Le registre citoyen/civique : impliquer le citoyen permet de faciliter la participation citoyenne ; est-ce que la donnée permet de construire ses propres codes de participation ?

  2. Le registre serviciel : impliquer le citoyen permet d’améliorer les politiques publiques, en autorisant le citoyen à intervenir dans le design du service, dans son amélioration et dans sa réalisation même. Le citoyen producteur de donnée est “faiseur” de politiques publiques.

Points de vigilances à garder :

  • L’engagement citoyen ne se décrète pas et ne s’improvise pas non plus. Il ne suffit pas de réunir les gens et de leur poser des questions. Il faut travailler aux conditions dans lesquelles le citoyen va se saisir d’un service. Pour cela, on a besoin de travailler à une ingénierie de l’engagement : il faut réfléchir à des méthodes à utiliser, mobiliser les gens ayant les bonnes compétences, mettre en place les cadres adéquats afin de structurer les débats. Tout cela donne la capacité aux gens de s’engager.

  • La référence aux data services ne doit pas se faire en termes de données, mais davantage en termes de finalités d’usages des données. C’est en effet cette finalité qui importe aux citoyens, et non la donnée en elle-même. Il s’agit donc d’interroger des usages spécifiques (en termes de mobilité, de consommation d’énergie, de circulation dans l’espace public…) pour déterminer les opportunités que représentent les données, sans se perdre dans des débats trop généraux.

  • Il faut faire attention à toujours demander son accord aux citoyens pour l’utilisation de leurs données personnelles. Si les citoyens consentent à un type d’usage de leurs données et que l’on constate qu’on peut faire une autre utilisation de ces données pour un nouveau service, il est impératif de recueillir à nouveau le consentement pour cette nouvelle utilisation. Pour cela, des services annexes spécifiques doivent mettre en place des mécanismes de validation systématiques.

  • Il ne faut pas oublier le champ politique dans ce processus. La “smart city” ne peut pas être imposée uniquement sur une base de participation citoyenne, il faut aussi que les élus s’en emparent, et on ne peut plus imposer la smart city, ceux ci doivent justifier de son utilité.

Pour conclure, il faut probablement une participation des citoyens, mais celle-ci ne doit pas se faire de manière improvisée. Il faut travailler en permanence dessus pour poser les cadres adéquats et faire attention aux points de vigilance évoqués.

La transversalité est-elle l’ennemi des silos ?

  • Le constat de départ est toujours le même : “c’est difficile de casser les silos”. Pourquoi ?

Parce que les services ont de réelles compétences-métier à faire valoir et à préserver aujourd’hui. Par conséquent, l’injonction à travailler de manière transversale induit l’inquiétude des experts-métier, qui ont du mal à maîtriser les sujets transversaux, trop généralistes pour eux. Il s’agit donc avant également de rassurer ces agents en les accompagnant, afin d’éviter les postures de rejet.

  • Qu’est-ce que la transversalité ?

Chaque organisation possède une définition et des termes différents. Au CGET, on parle ainsi de “coopération” plutôt que de “transversalité”, car cette dernière fait “retomber dans d’autres silos”. Par exemple, “la transition énergétique” peut être considérée comme un nouveau silo, qui mobilise des compétences propres, qu’on a du mal à faire dialoguer avec d’autres enjeux. Le terme de “coopération” convient davantage car il fait “basculer sur la conscience de l’autre” : si un expert tombe sur quelque chose relevant d’une autre expertise, il a le réflexe d’aller voir les autres services pour demander de l’aide. Par ailleurs, il ne s’agit pas seulement de demander de l’aide mais aussi d’en apporter : il faut systématiquement se demander “qui d’autre que moi, dans un autre service, pourrait avoir besoin de ce qu’on est en train de faire?”.

Parallèlement, pour faire référence aux silos, il vaut mieux parler de “verticalité”, qui permet d’évacuer la connotation négative des silos.

  • Comment travailler de manière transversale ?

Tenter de travailler de manière transversale ne veut pas dire abandonner certains fonctionnements verticaux : en fonction des sujets, on peut rester sur les compétences-métier. Il peut cependant être utile d’avoir des espaces d’échanges au moment du montage de projet, avec d’autres services, pour créer une transversalité dans laquelle le partage de connaissance serait plus intuitif.

  • Il est en tout cas nécessaire de créer un “langage commun à tous”. La data est un outil qui peut permettre de créer de la transversalité, car pour assurer leur interopérabilité, il faut créer ce langage et ces standards communs. C’est l’idée que poursuivent les “start-up d’Etat”, à l’instar d’Etalab, qui a participé à l’acculturation de l’administration sur la donnée et a adopté un rôle de médiateur et de facilitateur entre les administrateurs et le monde des start-up. Depuis quelques années, il existe une dynamique de projets et de co-construction dans laquelle la data s’imbrique bien.

  • On constate également que la dimension transversale est plus facile à conserver au niveau théorique, au moment de l’élaboration de la stratégie. Lors de la mise en oeuvre opérationnelle, on peut alors “redescendre” dans les silos.

Pour conclure : la transversalité n’est pas toujours irréconciliable avec les silos. Créer de la transversalité ne veut pas dire sortir des silos mais passe plutôt par l’adoption d’un “langage commun” qui gravite autour des services en silo et leur permet de communiquer entre eux. Ces derniers restent efficaces pour certains sujets et pour les phases opérationnelles des projets. Il est à noter que la data est un outil efficace pour impulser ce langage et ces standards communs.

Culture de la data ou culture de la patience ?

Il n’existe pas une mais plusieurs “cultures de la data”, qui varient en fonction des cibles et des “dimensions” de l’acculturation.

  • Les cibles :

  • la direction générale des services

  • les services concernés et les “autres” services

  • les élus (de communes ou de communautés)

  • les usagers

  • Les dimensions :

  • La dimension de finalité : c’est celle qui doit être utilisée auprès des services et des élus : pourquoi c’est utile ?

  • La dimension technique : elle n’a pas vocation à être utilisée auprès de l’élu. Il existe des standards plus ou moins faciles à comprendre, plus ou moins avancés. Il faut expliquer aux services comment fonctionne la donnée

  • La dimension du travail en interne : elle concerne les services, concernés ou non. Cependant, elle implique de travailler sur la finalité de la donnée et sur les standards techniques.

Comment faire ?

En montrant les opportunités et en les adaptant aux cibles :

  • Élus : leur montrer les opportunités économiques et électorales. Pour cela, mobiliser des retours positifs de la part des citoyens-usagers.

  • Services : leur montrer les gains de temps (attention cependant, l’adaptation représente au départ une perte de temps qui se mue en gain à long terme) et démystifier le côté ”technique” de la donnée (ils maîtrisent déjà la donnée au quotidien avec les tableaux excel!).

  • Usagers : leur laisser leur mot à dire, prendre les bonnes idées en compte. Les gens sont ainsi incités à devenir partie prenante du service.

  • Elus et services: leur montrer l’usage final de la donnée, en se saisissant de l’opportunité de travaux concrets ayant lieu entre services et élus : PLU, SCOT… La promotion de la donnée ne doit pas se faire “dans le vide”, il faut la raccrocher à un moment de travail dans lequel la donnée est pertinente. La communication interne est aussi de mise pour acculturer les services et élus, afin de visibiliser tout le travail sur la donnée qui se cache déjà en interne.

Pour conclure, l’acculturation n’est pas seulement une affaire d’explication : il faut embrigader les gens dans la démarche.

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